Bonjour,
Aujourd’hui,
je souhaite vous faire partager ce roman : Celui-qui-doute.
Cet
ouvrage, très actuel par bien des aspects, nous parle avec beaucoup
d’humanité des déchirures d’un peuple trop longtemps opprimé,
de problèmes identitaires, de foi et d’espoir… et nous propose
en prime une nouvelle théorie de l’évolution humaine !
Mais
n’anticipons pas ! Commençons par vous présenter ce livre…
La
trame se déroule quelque part dans les Grandes Plaines de l’ouest
américain.
Le
héros est un jeune natif américain élevé dans un premier temps
dans une réserve par son grand-père, puis plus tard, retrouvant
ses parents, dans le monde «civilisé» de la grande ville. En
grandissant, cette dualité est devenue de plus en plus difficile à
assumer : tiraillé entre ces deux éducations diamétralement
opposées, dans lesquelles il n’a jamais manqué d’amour mais
qui l’ont privé de véritables repères, notre héros ne sait
tout simplement pas qui il est.
Pour
reprendre le contrôle de son existence, c’est vers ses racines
lakotas qu’il se tourne, choisissant de s’isoler dans une grotte
afin d’y effectuer une haŋbléčheya, ce rituel
initiatique que les Blancs connaissent mieux sous le nom de « quête
des visions ».
Haŋbléčheya
est une pratique ancestrale qui consiste à se retirer du monde
pendant quatre jours, dans un lieu sacré, sans manger ni même se
désaltérer, dans un isolement total, propice à une distanciation
de la réalité quotidienne. Cette période de jeûne et de
privations sensorielles est mise à profit pour implorer Wakȟáŋ
Tȟáŋka, le Grand Esprit, et invoquer les forces spirituelles
qui dorment au plus profond de soi jusqu’à ce que, à bout de
forces et à la limite de l’inconscience, survienne enfin une
vision qui deviendra votre totem et vous accompagnera tout au
long de la vie.
Grâce
à cette expérience extrême, le héros espère être honoré de la
présence de Wakȟáŋ Tȟáŋka, pour ainsi renouveler sa
foi et retrouver les croyances de son peuple.
Mais
comment avoir la certitude que cette vision qu’il attend est bien
la personnification d’une instance supérieure, et non simplement
l’expression de son propre inconscient ?
Rien
de plus simple : il suffit de lui proposer de résoudre une
énigme dont personne ne connait la solution et à laquelle, de ce
fait, seul un être omniscient pourrait répondre…
Alors
survient la rencontre avec son (très surprenant !) totem, venu
lui parler au nom du Grand Esprit.
Et
brusquement, le roman s’ouvre sur un autre chemin, plus hasardeux
et plein de surprises inattendues : la résolution de l’énigme.
– Car Wakȟáŋ Tȟáŋka, ou plutôt son incarnation dans
la vision de notre héros, propose un nouveau deal à celui qui est
venu le tester : « Je te donne les pièces du puzzle,
mais c’est à toi qu’il reviendra de les assembler ! »
L’énigme ?
En fait, il s’agit tout simplement d’expliquer ce qui a conduit
notre espèce vers la voie de l’humanité.
Et
nous voici partis sur les pas de nos ancêtres, afin de comprendre
ce qui a poussé un jour un primate arboricole à adopter la
bipédie…
«
Celui qui doute » est avant tout un roman sur les natifs
américains.
Il
nous fait partager les valeurs fondamentales des lakotas, décrit
leurs rituels cérémoniels, évoque les génocides perpétrés à
leur encontre par les premiers colons ou encore la crise identitaire
rencontrée de nos jours par les descendants des survivants. Dans
cette fresque qui nous dévoile l’anomie d’un peuple traumatisé
et qui souligne l’acculturation du héros, tout se met
progressivement en place pour expliquer l’état d’esprit de
celui-ci, son besoin de se retrouver et son désir de changer les
choses…
«
Celui qui doute » touche le lecteur par l’humanité de ce jeune
amérindien et par les espoirs presque désespérés qu’il met dans
sa quête, à la fois pour se construire lui-même et pour
reconstruire l’âme de son peuple.
Au
cours de cette aventure et au fil des pages, tandis que la faim et
la soif acheminent peu à peu le héros vers sa rencontre avec
Wakȟáŋ Tȟáŋka, l’auteure embrasse, en de belles
envolées lyriques, la complexité des sentiments du jeune homme,
sans cesse partagé entre l’euphorie de sa quête, ses doutes et
la peur d’échouer ; elle égrène des anecdotes pleines de
sensibilité sur son enfance, exalte les péripéties de son
cheminement, ou bien encore nous fait découvrir l’histoire et les
croyances de son peuple.
Elle
nous bluffe par l’élégance de son style, souvent poétique, pour
ne pas dire harmonieux, tandis que la subtilité du portait
psychologique et affectif de son héros et l’utilisation dans le
récit de la première personne du singulier contribue à
l’empathie.
Mais
« Celui-qui-doute » est également un roman sur l’hominisation,
un prétexte de la part de l’auteure pour nous proposer une
nouvelle théorie de l’évolution humaine.
De
fait, Emmanuelle Bessot aborde tout d’abord et avec beaucoup de
pédagogie différentes théories de l’évolution… qu’elle
lapide sans concession pour pouvoir laisser le champ libre à son
propre crédo !
Elle
nous embarque alors dans les délires du héros pour disposer ici et
là les pièces disparates du fameux puzzle, titillant sans cesse la
curiosité du lecteur et lui apportant, sans en avoir l’air, tout
un tas de connaissances nouvelles.
Nous
découvrons ainsi un récit d’une très grande richesse,
résolument moderne, pour ne pas dire innovant, à la fois ludique
et instructif.
Quant
à sa théorie – en attendant de pouvoir être validée par la
communauté scientifique ( ?) – elle a en tout cas le mérite
d’être crédible et tout à fait pertinente...
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire