L'AUTEUR
NOUS RACONTE SON CHEMINEMENT :
«Ma
quête d’un éditeur a commencé pour ce manuscrit début janvier
2016,… sans grande conviction, je dois l’avouer, consciente des réalités du monde de l’édition : totalement
saturé par les publications de célébrités en tout genre, du
show-biz au politique, par les rééditions ou encore par les
ouvrages d’écrivains déjà révélés.
Car
les faits sont bien là : pour un auteur totalement inconnu, sans la
moindre relation ni dans le milieu éditorial ni dans le cercle des
personnes célèbres ou influentes, et bien sûr sans-le-sou, les
chances de séduire un éditeur relèvent pratiquement du miracle.
Et
pourtant…
…
Ce
n’est pas UN, ni deux, ni trois, mais bien quatre éditeurs qui se
sont déclarés intéressés par ce roman !!!
Bon,
il faut dire que j’avais mis toutes les chances de mon côté.
Un
manuscrit soigné.
Le
texte, d’abord. Relu et travaillé avec attention, il a d’abord
été proposé sur une plate-forme de lecture à des tiers dont j’ai
pris en compte les remarques et critiques avec intérêt (et
reconnaissance). De mon point de vue, toute critique, lorsqu’elle
n’est ni malveillante ni incongrue, peut être constructive. Ces
commentaires m’ont permis de revoir le texte une nouvelle fois, de
manière plus neutre et détachée.
Le
titre également a été modifié à plusieurs reprises. C’est
d’ailleurs, je crois, ce qui a été le plus difficile : trouver le
titre idéal pour ce roman atypique !
Des
éditeurs minutieusement sélectionnés.
Le
travail suivant portait sur le choix des éditeurs, et cela non plus
n’a pas été une mince affaire. J’ai ciblé très soigneusement
les maisons qui me semblaient les plus pertinentes pour porter ce
roman.
Ce
qui importe, ce n’est pas la taille de l’éditeur (certains
jeunes auteurs ne rechercheront que parmi les plus grands, d’autres
penseront avoir plus de chance auprès des petits, la majorité quant
à elle visera ceux de taille moyenne), c’est ce que la maison
publie.
Parfois
cela semble facile, l’éditeur affichant clairement sa ligne
éditoriale ; parfois c’est plus compliqué et il faut
feuilleter leur catalogue pour essayer d’y reconnaître des
affinités avec votre propre texte…
Alors
seulement, on passe aux envois. D’abord par papier, parce que cela
en impose.
Mais
si comme moi vous habitez en province, l’enthousiasme ne dure pas
bien longtemps : 6,70 € de frais de port ! Sans compter
l’enveloppe, les photocopies et éventuellement la reliure ! De
fait, après le septième envoi, j’ai stratégiquement opté pour
les éditeurs acceptant les manuscrits par mail, ce qui finalement
soulageait autant ma bourse que ma conscience écologique…
L’attente.
L’attente
a été de courte durée : le premier refus est arrivé des Forges de
Vulcain tout juste quatre jours après ma première fournée d’envois
en courrier électronique, par un message au demeurant très
sympathique :
«Bonjour
Emmanuelle, Après examen, je dois décliner votre proposition. Votre
texte ne correspond pas au genre de textes que nous désirons publier
et défendre. Je vous souhaite courage et succès dans la quête d'un
éditeur. Notez, mais vous le savez peut-être déjà, que non
seulement les éditeurs se trompent souvent, mais en outre, qu'une
décision négative est souvent l'effet de plusieurs choses, dont la
qualité du texte n'est que rarement un paramètre (il y a aussi la
ligne de l'éditeur, la cohérence du catalogue, l'état d'avancement
de son catalogue...). Cordialement. »
Cela
avait le mérite de clarifier d'emblée les choses et les retours
suivant, qui se sont étalé jusqu'en juin, ont souvent conforté
cette affirmation, même si certaines réponses m'ont parfois laissée
perplexe, comme ce second refus, qui m'est parvenu par courrier fin
janvier et qui émanait des Editions de l'Atelier :
«Malgré
l'intérêt de votre propos et la force de votre sujet, votre projet
nous a semblé trop éloigné de notre ligne éditoriale pour que
nous puissions envisager de le publier.»
Je
croyais au contraire être en plein dedans, puisque les Editions de
l'Atelier prétendent s'attacher «à mettre en valeur les
expériences humaines afin d'analyser les grandes questions de
société, décrypter le passé, inventer le présent. Les ouvrages
visent à accroître la capacité de chacun à être acteur et à
favoriser la transformation du monde vers plus de démocratie, de
justice, de fraternité.»
J'ai
dû mal interpréter leur ligne éditoriale, ou mal comprendre mon
propre texte !!!;)
De
fait et en dépit du grand soin que j'avais pris à sélectionner mes
éditeurs, cette justification de la ligne éditoriale ou de la
cohérence du catalogue est à plusieurs reprises revenue pour
excuser les refus:
«Nous
vous remercions pour l'envoi de votre manuscrit. En dépit de
certaines qualités, il ne peut cependant pas s’intégrer dans
notre catalogue. Nous vous souhaitons bonne chance dans votre
recherche d’éditeur.» (Service éditorial du Rouergue)
«Malheureusement,
notre production étant très réduite, nos choix en sont d’autant
plus restrictifs. Ainsi nous a-t-il semblé que votre livre ne
correspondait pas à ce que nous recherchons pour nos collections.»
(P.O.L Editeur)
«Les
thématiques abordées tout au long du manuscrit ne correspondent pas
à la ligne éditoriale des éditions La DOXA.»
Autre
argument de refus, souvent évoqué, la saturation des publications :
«
Les impératifs spécifiques de nos collections, d’une part, et un
programme de publications trop chargé, d’autre part, nous obligent
à des choix sévères, qui parfois nous laissent à nous même des
regrets.» (Éditions Albin Michel)
«Votre
manuscrit n’a pas été retenu et nous en sommes désolés, sachant
que cette décision vous décevra. Notre choix est d’autant plus
subjectif que nous publions très peu de livres. Et le nombre
croissant des manuscrits qui nous sont adressés nous contraint à ce
courrier aussi bref qu’impersonnel, veuillez nous en excuser.»
(Editions Zulma)
«Nous
ne publions que très peu de romans et malheureusement sommes très
chargés en ce moment. De plus, nous avons récemment édité un
témoignage illustrant la culture amérindienne dont un public
suffisant a été difficile à trouver.» (Editions Favre)
«Nous
publions peu de titres par an et nous n’avons pas retenu votre
texte.» (Don Quichotte)
Bon,
rassurez-vous, dans le lot, il y a quand même bien quelques éditeurs
qui ont refusé mon manuscrit simplement parce que celui-ci ne leur
avait pas plu. Si, si :
«
Nos lecteurs ont pris connaissance de votre manuscrit. L’avis
qu’ils ont rendu n’est malheureusement pas favorable et il ne
nous sera pas possible de retenir cet ouvrage pour nos prochains
programmes.» (Éditions Gallimard)
«Nous
en avons pris connaissance avec une attention toute particulière.
Malheureusement, il ne nous a pas pleinement convaincus.»
(Editions Kero)
«Nous
avons le regret de vous informer que votre manuscrit n’a pas été
retenu par notre comité éditorial.» (Les Allusifs)
Sans
oublier la réponse des Editions du Dilettante, qui m’a bien fait
rire et mes lecteurs en jugeront par eux-mêmes :
«Si
l’histoire est originale, on peine à partager l’expérience du
narrateur, à cause d’une écriture qui manque de souffle et de
caractère.»
D’autres,
enfin, ont dû en débattre au sein de leur comité de lecture :
«Nous vous remercions d'avoir eu la gentillesse de nous envoyer votre manuscrit, et de la confiance que vous nous accordez. Malheureusement notre comité de lecture ne l'a pas retenu pour publication. En effet, vous le savez, un éditeur ne doit s'engager sur une publication que s'il est certain que toute l'équipe suivra, et mènera le texte aussi loin que possible ; ce qui n'a pas été le cas de tous les membres du comité, malgré les qualités de votre travail. Nous espérons que vous trouverez chez un confrère un accompagnement de valeur, et nous vous prions d'agréer, nos respectueuses salutations.» (Allary Editions)
«A
regret, notre comité éditorial a décidé de ne pas retenir votre
manuscrit.» (Editions du Cygne)
Non
pas UN, ni deux, ni trois, mais quatre éditeurs intéressés par ce
roman !!!
Et
puis courant mai, une première touche, émanant des éditions
Yovana:
«Après
avoir effectué une première lecture, je vous avouerai que ma
curiosité a été assez vite piquée. Votre narration est bien
construite, votre sujet est prenant : vous proposez là un projet
d'écriture d'envergure, qui ne laisse pas indifférent.[…]
Lorsqu'une première lecture attire mon attention, je la soumets à
un comité de lecture, avec lequel nous débattons ensuite d'une
éventuelle publication. Mais peut-être êtes-vous déjà familière
du monde de l'édition : je vous fais seulement part de ce processus
pour vous préciser que ce courriel n'est pas encore celui d'un
éditeur "en affaires", mais d'un lecteur enthousiaste.»
Certes
cela ne vaut pas offre d’édition, mais c’est encourageant et
cela redonne le sourire.
Cependant
les semaines passent, et finalement l’offre espérée vient
d’ailleurs, plus précisément des éditions La Völva, une jeune
maison d’édition implantée à Besançon, la ville où j’ai fait
mes études et à laquelle je suis encore très attachée :
«Je
me permets de vous écrire car nous aimerions convenir d'un entretien
téléphonique avec vous pour discuter de votre soumission de
manuscrit. Nous serions intéressés par une éventuelle publication
mais nous souhaiterions voir certains points avec vous.
Pourrions-nous convenir d'un entretien téléphonique prochainement
?»
Rendez-vous
est pris. Et c’est un… essai transformé !, l’entretien
téléphonique débouchant sur une offre concrète de publication.
Cependant, en dépit d’un extrême état de jubilation que tout
auteur en quête d’éditeur pourra comprendre, je reste prudente,
souhaitant un délai de réflexion avant de confirmer mon engagement.
Bien
m’en a pris, car le 17 juillet, Yovana se déclare :
«Je
reviens vers vous pour vous faire part de notre décision autour de
votre manuscrit. Tous les échos de mon comité de lecture ont été
très positifs, et ont donc conforté mon souhait de démarrer cette
aventure littéraire avec vous.»
Je
suis ravie, bien sûr, mais l’idée de devoir choisir ou plus
exactement l’idée de devoir écarter l’une de ces deux maisons
d’édition prêtes à nous faire confiance, à mon roman et à
moi-même, me désole.
Je
me donne jusqu’à la mi-août pour étudier les propositions,
consciente néanmoins que repousser l’échéance ne rendra pas pour
autant les choses plus faciles.
En
attendant j’adresse un mail aux éditeurs à qui j’ai déjà
soumis mon manuscrit et qui ne m’ont pas encore répondu pour leur
signaler ma nouvelle situation, afin qu’ils puissent retirer ce
roman de leur circuit si le texte n'a pas encore été soumis à leur
comité de lecture ou si ils ne sont pas intéressées pour le
porter.
La
réaction des Editions Mon Village est quasi immédiate :
«J’ai
lu votre manuscrit avec grand plaisir et serais intéressé par sa
publication. Mais il circule encore auprès de notre comité de
lecture et je ne pourrai vous donner de réponse avant mi-août. Je
vous suis gré de patienter jusque-là, puis de faire votre choix,
puisque vous avez le bonheur d’avoir le choix. »
Là,
c’est carrément l’euphorie. Les éditions Mon Village, je les
connais bien : elles ont porté André Besson dont les nombreux
succès ont jalonné toute ma jeunesse et l’idée de voir mon nom
associé à ce formidable auteur me porte littéralement aux nues.
La
quatrième maison intéressée par mon manuscrit, les éditions du
Menhir, n’a pas pu se positionner faute de temps pour examiner le
manuscrit, mais c’est avec beaucoup de plaisir que je découvre
leur réponse :
«Je
vous sais gré de nous avoir informé de cette situation. Tout en
étant contrit de ne pas avoir pu disposer du temps utile pour
examiner votre manuscrit, que nous avions classé dans la catégorie
des "intéressants", je suis heureux pour vous que vous
ayez reçu des offres de publication, et je vous souhaite tout le
succès que vous méritez pour ce livre.»
J’ai
également apprécié la réponse des Editions Lettres Vives:
«Je
viens de regarder votre manuscrit et ne suis pas étonnée qu'il
puisse retenir l'attention de deux éditeurs», précisant
néanmoins que je frappais à la mauvaise porte «pour une
question d'orientation et de choix éditoriaux».
Fière
!
Au
total Celui-qui-Doute a essuyé 15 refus formels
(courrier postal ou électronique) avant de recevoir sa première
offre de publication !
15
refus, c’est aussi bien que Le
journal d’Anne Franck,
et bien mieux qu’Autant
en emporte le vent
(38 refus, et pourtant Prix Pulitzer et
record des ventes avec 33 millions d'exemplaires!), c’est également
mieux que Dune
(19 refus) ou Sa
majesté des mouches
(20 refus), mais – restons modeste – tout de même moins bien
qu’Harry
Potter (12
refus) ou que Twilight
(14 refus)…
Et
il n’en resta qu’un…
Avoir
le choix, certes, c’est flatteur pour votre ego. Mais pour moi, ce
fut un crève-cœur de devoir contacter l’un de mes prétendants
pour lui dire : «Je vous remercie, mais finalement, c’est l’autre
que j’ai choisi.» Parce que même si vous y mettez les formes et
que vous emballez vos propos dans un joli paquet cadeau enrubanné,
en définitive, c’est bien ce que votre interlocuteur retiendra.
Le
choix a été difficile, pour ne pas dire douloureux, mais j’ai
finalement fini par me décider pour les éditions Yovana, une toute
jeune maison d’édition, certes, mais prometteuse. Et puis surtout
j’avais dans ma besace d’autres projets que ce premier manuscrit
et parfois il faut savoir regarder plus loin que la ligne de
l’horizon, quitte à prendre des risques.
… Car
l’aventure ne fait que commencer ! »